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  • Photo du rédacteurDiot-Siaci Institute

« Retraite : tous actifs »

Conférence organisée par la Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » avec le Groupe Aésio, en collaboration avec la Caisse des Dépôts


Introduction


Avec François-Xavier Albouy, directeur de recherche, Chaire TDTE, et Emmanuel Roux, directeur général, Groupe Aésio.

Pour la Chaire TDTE, le maintien en activité des seniors est un objectif majeur, comme le rappelle François-Xavier Albouy. « L’erreur de Faust » soulignait déjà combien une société du vieillissement, soit un tiers de la population qui passe un tiers de son existence à la retraite, posait non seulement des questions d’ordre économique, mais aussi celle du bienêtre indispensable pour traverser le mieux possible cette nouvelle période de la vie. Pour ce faire, trois conditions sont requises : avoir une activité soutenue et altruiste, être dans le souci de soi, prudent et économe et, enfin, se mettre en situation d’apprentissage continu. Et répondre à ces trois exigences, selon les statistiques, retarde de cinq ans l’entrée en dépendance.

Groupe mutualiste spécialisé dans l’assurance, la prévention et l’offre de soins, Aésio soutient les travaux de la Chaire dans la mesure où sa devise est « décidons ensemble de vivre mieux ». Selon Emmanuel Roux, il existe une sorte d’intimité entre les démarches de la Chaire et d’Aésio : mettre au centre la personne, dans sa globalité, s’attacher à son bien-être physique et cognitif tel que défini par l’Organisation Mondiale de la Santé, c’est-à-dire l’accompagner dans ce qui lui est essentiel, sa sociabilisation. C’est ainsi qu’a été conçue la Cité des aînés à Saint-Etienne, associant les soins et la sociabilité. Un travail qu’Aésio entend développer sur tout le territoire afin que la société de la longévité, et non celle du vieillissement, devienne une réalité.



Présentation de l’étude : « Retraite active : quelles compétences pour les seniors et les retraités ? Quels dispositifs ? »


Avec Jacques Pelletan, maître de conférences en sciences économiques, Université Paris 8, et Nathalie Chusseau, professeure d’économie, Université de Lille.


Une précédente étude avait démontré les effets positifs sur la croissance d’une action volontariste de formation face à un choc sur le marché du travail. Pour Jaques Pelletan, le sujet désormais abordé est à la fois plus large, en prenant en compte le bénévolat, et plus restreint en s’attachant à la seule catégorie des seniors. Or rester plus longtemps en activité concerne les individus dès 40-45 ans. On sait en effet que la productivité décroît avec l’âge et, en matière de santé, en suivant les données OCDE, les capacités suivent le même déclin. Sauf à mettre en œuvre des formations destinées aux jeunes et aux seniors et, pour ces derniers, un « entretien » des capacités cognitives qui sont à la fois acquises et actives et qui leur permet de contrer le « décrochage » annuel vécu par les retraités non actifs.


L’activité a un effet direct sur le bien-être global, en particulier le travail social non rémunéré. Se pose dès lors la question, selon Nathalie Chusseau, des compétences à acquérir pour aller dans ce sens. C’est là une sorte de portefeuille de formations à proposer, soit des compétences transversales de base, des compétences transférables liées à une activité spécifique, des compétences cachées par une sorte d’autocensure et des compétences digitales désormais indispensables. Ces formations pour rejoindre le secteur associatif sont de courte durée, ciblées et soutenues par les acteurs que sont les branches professionnelles ou Pôle Emploi. Les dispositifs existent ou sont à améliorer pour cette retraite progressive comme le cumul emploi retraite, le mécénat de compétences qu’il faudrait étendre aux branches professionnelles, un compte de formation adapté à une retraite active, un bonus en termes de points de retraite, le rachat des points par l’entreprise en contrepartie d’une formation des seniors. Connaître l’impact macroéconomique des différentes mesures proposées est d’autant plus indispensable que leur coût est très important. Une étude américaine portant sur 16 000 individus permet à Jacques Pelletan d’affirmer qu’avec l’âge, c’est plus l’instinct de combinaison qui décroît que la « persistance des agrégats ». La formation peut donc transformer en capital humain durable des capacités dont l’obsolescence est programmée. La puissance publique qui finance ce programme peut s’attendre, via un an de formation, à un gain de production de 5% contre une perte de 2 à 3% en laissant les seniors de plus de 56 ans éloignés des dispositifs de formation. Et plus la formation intervient tôt, dès 45 ans via des formations courtes, plus son impact sur la croissance est élevé.


Table ronde ; « Retraite active : quelles compétences à développer ? »


Avec Dominique Thierry, président d’honneur de France Bénévolat, Bertrand Martinot, économiste, directeur du conseil en formation et développement des compétences, Siaci Saint Honoré, Cécile Dejoux, professeure des universités au CNAM et professeure affiliée à l’ESCP Europe.


Parler de bénévolat, c’est évoquer un engagement, une motivation et non des compétences. Dominique Thierry traduit ainsi le slogan PLUS de France Bénévolat : P comme plaisir, L comme lien, U comme utilité ou comment se sentir à nouveau utile, S comme sens. Si les compétences jouent, l’important est ailleurs, dans la transition entre emploi et activité bénévole, soit une transition de reproduction qui ne fonctionne pas, une transition de transposition de ses compétences dans un nouvel univers et une transposition de rupture, minoritaire. Or l’appétence à la formation des bénévoles ne ressemble pas à celle des salariés. La France a, en effet, cette spécificité de rabattre la formation sur les stages, au plus loin de la formation tout au long de la vie.


Parler de senior de 45 ans a ceci d’effrayant, selon Bertrand Martinot, qu’il suppose l’existence d’un problème d’employabilité dès cet âge. En entreprise, la question se pose plus tard, au-delà de 55 ans, ce qui soulève bien des interrogations, en particulier chez les DRH, au regard de la réforme qui, de fait, est d’allonger le temps de travail. Mais on ne peut en rester aux compétences. Mieux vaut envisager une transition douce comme le permet le cumul emploi retraite, tenir compte des conditions de travail et de sa valeur qui peut s’émousser pour transférer une activité vers le mécénat de compétences, par exemple. En termes d’outils, sans trop taxer les entreprises, on peut penser au CPF, peu utilisé, pour l’acquisition d’un savoir faire digital, ou l’octroi de points de retraite supplémentaires aux individus qui se forment. L’intervention de la puissance publique devrait se limiter à ces « coups de pouce » et non élaborer un énième plan digne d’un Etat dirigiste.


Pour Cécile Dejoux, trois idées sont à explorer. La première est de se dire que la retraite se prépare et qu’il existe, en entreprise, des dispositifs qui le font comme le reverse mentoring, une relation non hiérarchique de transmission entre un jeune salarié et un cadre expérimenté. La seconde est de savoir comment absorber ce choc qu’est le passage à la retraite, ce que fait le CNAM avec son Université du troisième âge, reconnaître ce changement structurel tout en se réinventant. La troisième repose sur la révolution de l’épigénétique qui propose cinq critères pour rester en bonne santé : gérer le stress, bien se nourrir, faire de l’exercice physique, donner sa place au plaisir et développer des relations interpersonnelles. Et le numérique est là une opportunité à saisir, une véritable ouverture.


Table ronde : « Quels dispositifs et quel rôle pour les entreprises ? »


Avec Olivier Faron, administrateur général du CNAM, Marianne Eshet, déléguée générale de la Fondation SNCF, Sylvain Maillard, député LREM, membre de la Commission des affaires sociales, Sylvain Koczorowiez, fondateur de Xpert for U.


À propos des compétences, il y a aujourd’hui une sorte de consensus et une reconnaissance par le législateur du mécanisme de validation des acquis de l’expérience créé par le CNAM. Ce mécanisme, souligne Olivier Faron, est essentiel. Il permet, en effet, d’évaluer les expériences et capacités acquises sur le terrain, qui, agrégées, peuvent mener à l’obtention d’un diplôme, tradition française oblige. Quant à la transmission, elle ne peut se faire sans le tutorat, la maîtrise d’apprentissage qui supposent une grande expérience. Encore faut-il donner à ces acteurs la confiance et le savoir faire nécessaires. Enfin, le CPF qui est un véritable pari sur l’individualisation de la formation, ne peut être efficace que si le senior est accompagné dans sa démarche, ce que le CNAM fait aujourd’hui pour les seniors parisiens à la demande de la Mairie de Paris.


À la SNCF, précise Marianne Eshet, le mécénat de compétence existe depuis six ans. Il n’y a pas, selon elle, de monopole qui vaille en matière d’intérêt général. L’entreprise y trouve tout naturellement sa place, avec la bénédiction de l’Etat et de la loi de 2003 sur les avantages fiscaux associés à ces initiatives souvent très onéreuses. 4000 salariés de la SNCF ont pris sur leur temps de travail avec, pour les seniors, des missions plus longues dans des associations, soit une manière de préparer leur retraite. Pour les autres salariés, c’est leur donner la possibilité de s’engager, de se réinventer, ce qui est loin d’être évident. Le bénévolat s’apprend tôt car il relève plus d’un état d’esprit que de compétences. C’est bien le lien, le rapport à l’altérité qui comptent.


C’est toute une génération qui, aujourd’hui, arrive à l’âge de prendre sa retraite, une génération dont les besoins sont importants. Pour Sylvain Maillard qui a porté la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, il est impossible de faire l’impasse sur le tutorat et le mentorat. Pour qu’une société sache construire l’après travail, il faut qu’elle s’attelle à organiser l’avant retraite, c’est-à-dire former tout au long de la vie. La société qui vient n’est plus celle d’un emploi à vie, mais celle de carrières qui se juxtaposent et s’enrichissent les unes les autres. S’il n’y a plus rien à attendre d’une seule et même organisation, mieux vaut parier sur les bonnes volontés capables de faire du lien, de donner et recevoir en retour. Or la société est encore loin du compte pour identifier les lieux et les acteurs de ce lien.


Préparer la retraite se fait à double titre pour Sylvain Koczorowiez. Par le salarié et par l’entreprise. Pour le comprendre, il faut s’appuyer sur la définition britannique du senior, « le plus expérimenté ». La transformation d’une entreprise passe aujourd’hui par une logique simple du « plus vite », du « mieux » et par le « moins de salariés possible ». Cette approche strictement financière, où le bilan est roi, a pour cible privilégiée les seniors dont les salaires sont les plus élevés. Or, c’est une fois disparue que l’on mesure leur valeur ajoutée. Mieux vaut pour l’entreprise, au plus loin d’une logique de poste, identifier les compétences clés et pour le salarié se préparer psychologiquement, c’est-à-dire bannir le mot retraite pour lui préférer l’expression d’une « autre vie ».


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